23.1.10

Alix, Enak, Guy et Jeanjean sont orphelins !



C'est avec beaucoup de tristesse que j'ai appris le décès de Jacques Martin. C'est tout un pan de ma culture BD, voire de ma culture tout court, qui disparaît ainsi. Alix faisait partie, en tant que lecteur, de mes héros favoris. Je dirais même que durant mon adolescence, c'était MON héros préféré. N'en déplaise aux branchouillards divers qui en tireront les conclusions qu'ils veulent ;-)
J'ai passé des heures à lire et relire Alix et Lefranc. Le Mystère Borg (que j'ai en édition originale, dédicacée s'il-vous-plaît !), l'Ouragan de Feu, La Grande Menace, Le Repaire du Loup (là aussi dédicacé par ses deux auteurs) font partie des grands classiques de la bande dessinée franco-belge. La majorité des Alix, entre L'île Maudite et L'Enfant Grec, sont des sommets de la BD. Deux authentiques chefs d'œuvre, relus hier avec passion, sortent du lot : Les Légions Perdues et Le dernier Spartiate. Dans ce dernier, un thème audacieux pour l'époque (1966, j'étais à peine né) se détache : une femme d'âge mur, la Reine Adréa, tombe amoureuse du jeune Alix, à peine 18 ans !

Comment se fait-il qu'aucun réalisateur n'ait jamais pensé à adapter l'un de ces albums mythiques pour le cinéma. Quel film donnerait le déjà cité Les Légions Perdues, ou encore Les Proies du Volcan !

Comme vous le savez, j'ai travaillé un peu avec Jacques Martin, ne réalisant hélas que deux demi Alix. J'aurais voulu faire plus, et surtout mieux, et dans d'autres conditions que celles que j'ai eues, mais le destin en a décidé autrement. Je ne regrette toutefois pas cette collaboration, que j'ai fort appréciée (à l'opposé des autres scénaristes ayant travaillé avec Martin, on peut bien parler de collaboration, puisque j'écrivais sur base de ses synopsis, et je lui lisais tous les quinze jours mon découpage et mes dialogues : certains me le reprocheront plus tard, mais étant le premier scénariste à reprendre Alix, c'est ce qui m'avait été demandé afin de faciliter la transition).
J'ai bien aimé travailler avec lui. Je sais que certains de ses collaborateurs n'ont pas toujours eu la vie facile, mais je peux dire qu'entre lui et moi il n'y a jamais eu la moindre tension, le moindre problème. Nous étions très respectueux l'un vis-à-vis de l'autre, il me vouvoyait même en me parlait de choses et d'autres. Un moment, il m'avait demandé de l'aider à écrire son autobiographie. J'avais écrit les deux premiers chapitres, ainsi qu'un concernant sa collaboration avec Hergé, nous avions un éditeur (Luc Pire, j'ai encore le contrat chez moi !) mais finalement il renonça au projet, un peu sous la pression de divers intervenants.

Voilà donc un grand conteur qui s'en va. Certains continueront à poursuivre ses séries, avec des bonheurs divers. J'ai vu les premières planches du prochain Alix, le testament de César, dessiné par le talentueux Marco Venanzzi, et cela a l'air pas mal du tout ! Un des synopsis originaux que j'avais écrit à l'époque pour Alix, et qui avait reçu son approbation et soulevé même l'enthousiasme de mon éditeur, sera prochainement publié, remanié pour un autre héros, évidemment. Je me permettrai de le dédier à Jacques Martin !

Merci Monsieur Martin pour les dizaines d'heures de lecture passionnantes passées grâce, et avec vous !


(photos : Jacques Martin et moi-même en plein travail chez lui, à Bousval, en janvier 2006)

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